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[DOSSIER] L'histoire de la Game Boy (8ème partie)

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Message par Evola Sam 23 Déc 2023 - 1:19

(8ème partie)
Suite de:
- 1ère partie: Petite genèse de la Game Boy: Comment celle-ci a été possible ? https://www.gamopat-forum.com/t118325-dossier-l-histoire-de-la-game-boy-1ere-partie
- 2ème partie: les Game & Watch. https://www.gamopat-forum.com/t118333-dossier-l-histoire-de-la-game-boy-2eme-partie#3589507
- 3ème partie: La R&D1 réfléchit à l'avenir des Game & Watch: https://www.gamopat-forum.com/t118348-dossier-l-histoire-de-la-game-boy-3eme-partie
- 4ème partie: Le lancement du projet DMG déclenche un conflit au sein de la R&D1: https://www.gamopat-forum.com/t118361-dossier-l-histoire-de-la-game-boy-4eme-partie
- 5ème partie: La Game Boy: une oeuvre collective: https://www.gamopat-forum.com/t118376-dossier-l-histoire-de-la-game-boy-5eme-partie#3590117
- 6ème partie: Le jeu Naze est d'abord abandonné puis devient la console du miracle: https://www.gamopat-forum.com/t118394-dossier-l-histoire-de-la-game-boy-6eme-partie
- 7ème partie: Les jeux: https://www.gamopat-forum.com/t118491-dossier-l-histoire-de-la-game-boy-7eme-partie


Bibliograhie de la 8ème partie:
- L'histoire de Nintendo n°4: La Game Boy de Florent Gorges
- La Bible Game Boy
- La Game Boy en 350 jeux
- L’anthologie Game Boy
- IG MAG
- Wikipedia
- Pix'n Love
- Iwata Demande





Game boy bros, Game Boy Pocket, et Pokemon :

Selon Gunpey Yokoi « la Game Boy a toujours été un succès calme » dont « les ventes ont été régulièrement excellentes ». C’est une valeur sure qui incarne à elle toute seule l’ensemble du secteur des consoles portables, de la même façon que le walkman de Sony symbolisait les baladeurs à cassettes. Toutefois les ventes ne tardent pas à s’effriter. En 1992 après avoir augmenté le prix de son pack Game Boy avec Tetris de 590 francs à 690 francs, Nintendo va frapper un grand coup en Europe pour enrayer l’érosion des ventes, en baissant le prix du pack à 490 francs en décembre 1992, en pleine période de Noël. Au cours de l’année 1993, la Game Boy sera proposée seule à 299 francs. Dans le même temps,au Japon la Game Boy passait de 12500 yens à 9800 yens.
Parallèlement à ces baisses de prix, Nintendo va tenter de séduire les adolescents et les jeunes adultes en lançant, en 1994, les  Game Boy Bros (Play it loud en occident) consistant à décliner la vieille Game Boy de 1989 en six différentes couleurs puis à accompagner ce simple ravalement de façade d’une campagne de communication provocante censée rajeunir l’image de sa console. C’est l’écrivain Shigesato Itoi, un proche très écouté du Président Yamauchi, à l’origine de la série Mother, qui a l’idée des Game Boy Bros, dont le nom est une référence aux frères Mario et Luigi. Au même moment, le Super Game Boy, qui permet de jouer aux jeux Game Boy sur la Super Famicom et la Super Nes est lancé. Nintendo espère ainsi redynamiser les ventes. Mais rien n’y fait, les éditeurs tiers délaissent la portable 8 bits au profit de la Super Famicom et mécaniquement les sorties de jeux baissent. Dans la presse vidéoludique française la visibilité de la Game Boy qui était depuis toujours bien moindre que celle des consoles de salon, se réduit comme une peau de chagrin, pour devenir invisible. Les previews, déjà rares, deviennent inexistantes et les tests de jeux qui occupaient, dès le début, une poignée de pages reléguée en fin de magazine commencent à disparaître dès la fin de 1994.

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En 1995 la Game Boy semble en fin de vie. Elle n’a connu aucune amélioration depuis 1989. Il faut dire que durant cette période la R&D1 est accaparée par le développement d’un casque de réalité virtuel, proposant une 3D stéréoscopique, le Virtual Boy qui s’appuie sur la technologie des diodes électroluminescentes rouges. Alors que la R&D1 n’a pas finalisé sa console et n’est encore qu’au stade de l’expérimentation, Nintendo a besoin d’un produit pour occuper le marché suite aux reports successifs de la Nintendo 64 et lance à la hâte le Virtual Boy. C’est un échec commercial cuisant et au bout de quelques mois Nintendo cesse la fabrication de sa console 3D rouge.

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Affirmer que Gunpey Yokoi a été déçu par cet échec serait une litote. Depuis longtemps celui-ci veut quitter Nintendo où il a l’impression que la pression économique étouffe sa créativité. Il ne se voit pas comme un concepteur de produits high tech. Il se voit plutôt comme un créateur de jouets permettant de revenir à « des plaisirs plus simples », estimant qu’il est temps « de reconsidérer le jeu vidéo ». Celui qui a inventé tant de jouets à succès ne se reconnaît plus dans la guerre technologique dans laquelle s’est engagée la firme de Kyoto. Il veut respirer l’air frais du grand large et recréer ailleurs une société qui serait à l’image du Nintendo de ses débuts, où il pouvait donner libre cours à son inspiration lorsqu’il créait l’ultra-hand, les pistolets optoélectroniques ou les Game & Watch.

«  Quand nous avons développé la Famicom, les Game & Watch ou encore la Game Boy, assène Gunpey Yokoi dans un passage de sa biographie, nous pouvions constater, de toutes parts, une véritable envie de proposer des jeux d’un genre nouveau. […] Mais après quelques années on n’a plus su quoi inventer … On a alors cru qu’en rajoutant des couleurs, ou encore des effets spéciaux, on allait pouvoir renouveler à l’infini l’intérêt des mêmes concepts. Mais en réalité, pour les fabricants de jeux, c’était la preuve inavouée d’une chute. Au lieu d’essayer de prendre le problème à bras le corps et de repenser en profondeur des concepts ludiques, tous les fabricants de consoles et de softs ont opté pour la solution de facilité consistant à proposer du « toujours plus beau et plus rapide » ! on a ainsi vu les processeurs passer du 8 bits au 16 bits, puis du 32 au 64 …
Mais je pense qu’un jour avec une telle course effrénée, le marché finira par se frapper la tête contre le mur. La vitesse, les graphismes ne sont bien souvent que des améliorations relatives et ne changent que bien peu de choses dans le contenu des jeux.
L’essence et l’avenir des jeux reposent uniquement dans les idées. Si aujourd’hui, le secteur semble stagner à ce point, c’est parce que beaucoup de créateurs commencent à manquer d’idées originales ! Heureusement pour l’industrie, le jeu vidéo avait la possibilité de proposer une échappatoire temporaire permettant de limiter les dégâts. Cette échappatoire c’était la surenchère technologique , la guerre des processeurs et du nombre de couleurs affichées qui, de prime abord impressionnent le joueur.
Moi qui étais au premier rang pour faire ce triste constat, je ne pouvais m’empêcher de penser que Nintendo en s’engageant également dans cette course sans fin, risquait de monopoliser son énergie dans l’élaboration de graphismes toujours plus réalistes et d’images de synthèses toujours plus complexes au lieu de se concentrer sur le principal : les idées. Je souhaitais vraiment proposer à Nintendo quelque chose de nouveau. Une expérience de jeu unique et inédite qui permette de revenir aux fondamentaux du jeu vidéo. C’est ce que j’ai essayé de faire en imaginant le Virtual Boy ».

L’ échec commercial du Virtual Boy sonne le glas de la philosophie de Gunpey Yokoi au sein de Nintendo. Plus que jamais il veut démissionner pour créer sa propre société. Son ambition est de refaire un petit Nintendo où il pourra concrétiser ses idées de jouets. Toutefois Gunpey Yokoi ne veut pas partir sur un échec. C’est pourquoi, au moment où tous les regards sont focalisés sur les consoles 32 bits et 64 bits, et alors que, dès 1995, de nombreuses previews annoncent une nouvelle Game Boy, 16 Bits voire 32 bits en couleur, il va encore prendre tout le monde à contre-pied en élaborant une version de poche de la Game Boy: La Game Boy Pocket.
« Pour moi, affirme Gunpey Yokoi dans sa biographie, la Game Boy, c’est l’essence ludique même. Les industriels du jeu vidéo veulent toujours proposer toujours plus de couleurs, de polygones, mais je suis intimement persuadé que si l’on parvenait, même aujourd’hui, à créer un jeu aussi prenant que Tetris par exemple, un nouvel engouement pour une machine comme la Game Boy ne serait pas exclure ... »

A suivre ci-dessous ...



Dernière édition par Evola le Dim 28 Avr 2024 - 21:12, édité 6 fois
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Message par Evola Sam 23 Déc 2023 - 1:19

Et c’est exactement ce qui va se passer ! La résurrection de la Game Boy va se produire grâce à l’arrivée concomitante de deux « pockets » sans prétention que personne n'attend : la Game Boy Pocket et surtout le jeu Pocket Monsters (Pokemon en occident) qui va proposer le jeu d’un genre nouveau que Gunpey Yokoi appelait de ses vœux, relançant totalement l’intérêt pour la Game Boy.

Dès le début du projet DMG, Gunpey Yokoi et son équipe envisageaient de fabriquer une console plus fine. Mais pour des raisons de fiabilité technique et de choix privilégiant l’autonomie, il n’a pas été possible de proposer une console au format réellement « pocket » dès 1989. Depuis les années 60 les firmes japonaises réalisent des prouesses dans la miniaturisation des objets électroniques attirant ainsi de nouveaux clients comme en témoignent la miniaturisation de la calculatrice, des walkmans, ou des téléphones portables. Conscient qu’une version tenant vraiment dans la poche pourrait ranimer les ventes de la Game Boy Gunpey Yokoi envisage de commercialiser ce nouveau modèle 8800 yens, un prix plus élevé que la Game Boy classique (vendue alors 7800 yens). Mais le président Yamauchi remet alors brutalement les pendules à l’heure. Il rappelle à la R&D1 que la Game Boy est moribonde. Non seulement les ventes de consoles sont au plus bas mais les sorties de jeux sont insignifiantes. Il leur assène, implacable : « Moi à 6 800 yens, j’achète. Mais jamais au-delà. »
Dès lors l’équipe va se remettre au travail, pour proposer une Game Boy Pocket réduite de 30 % de sa taille, au prix exigé par le président. De douloureuses concessions sont alors consenties. La console utilisera 2 piles LR03, au lieu de 4 piles LR06 réduisant l’autonomie de 35 heures à 15 heures. Dans un souci d’économie, la diode lumineuse sera même supprimée dans les premiers modèles et il sera même envisagé de supprimer la possibilité de connecter 2 Game Boy via le cable Link, ce qui aurait eu des répercussions désastreuses sur les ventes d’un jeu devant sortir tardivement : Pocket Monsters.

Game Boy Pocket
[DOSSIER] L'histoire de la Game Boy (8ème partie) 240

Pocket Monsters est sorti de l’imagination de Satoshi Tajiri, un ancien fan de jeux vidéo qui séchait l’école pour assouvir sa passion. Dans la communauté des joueurs d’arcade il se fit un nom grâce à son fanzine Game freak qui connut son heure de gloire avec un numéro spécial consacré au jeu Xevious qui fut diffusé à 10 000 exemplaires. De fil en aiguille, avec des amis rencontrés dans la communauté de son fanzine, il décida de créer ses propres jeux et Game Freak devint le nom de sa société de développement en 1989, l’année de la sortie de la Game boy. Fasciné par le coté portable de la machine et la possibilité de tranférer des données grâce au cable link, il imagina la possibilité d’échanger des « organismes vivants ». Dès ses débuts, la Game boy accueillit de nombreux RPG et notamment Makai touchi Sa-Ga (Final Fantasy Legend) qui permettait d’avoir dans la poche une équipe d’aventurier qu’on pouvait faire muter en robots, monstres ou mutants bizarres et mignons, qui captive Tajiri. Le développement de Pocket Monsters commença en 1990 (pour une sortie initialement prévue en décembre 1991) prenant la forme d’un RPG classique. Proposé à de nombreux éditeurs celui-ci est systématiquement rejeté. Chez Nintendo le soft est loin de faire l’unanimité, la plupart des cadres ne comprenant pas le concept et l’intérêt du jeu, mais - surprise - il est tout de même décidé d’accorder un budget et d’éditer le jeu. En effet de bonnes fées se sont penchées sur le berceau de Pocket Monsters notamment Shigeru Miyamoto et Satoru Iwata qui pressentent le potentiel du logiciel. Pocket Monsters semble entrer en résonance avec de nouveaux concepts ludiques qui agitent les années 90. Les jeux portables associant l’aspect combat à l’aspect collection, comme le Barcode battler ou Magic ont alors le vent en poupe. Ces idées vont nourrir consciemment ou non le projet de Game Freak.

Lancé par Epoch en 1991 le Barcode battler est un jeu électronique qui proposait de scanner des codes barres de cartes dédiées (le jeu est livré avec des cartes inspirées de Super Robot Taisen) ou de produits de supermarchés pour les convertir en héros fantastiques représentés par des statistiques et des caractéristiques chiffrées (le jeu n’a pas de graphismes) permettant à  2 joueurs de s’affronter. Le succès du jeu au Japon encourage Epoch à sortir un Barcode battler II dès 1992 qui offre un mode solo sous la forme d’un petit RPG. Mais la grande nouveauté c’est qu’on peut désormais brancher la machine à la Famicom ou à la Super Famicom permettant de jouer au Barcode battler avec des graphismes à des jeux comme Barcode World, au jeu de foot J-League Excite stage ou au RPG Dragon slayer II. Chaque jeu dispose de sets de cartes dédiés. Des cartes en édition limitée Zelda ou Super Mario World verront même le jour.

Le Barcode Battler
[DOSSIER] L'histoire de la Game Boy (8ème partie) 01-Box2BITA-barcodebattler.co_.uk_

Quant à la Game Boy elle aura sa propre extension scannant les codes barres : le Barcode boy. Ce périphérique fabriqué par Namco (livré avec le jeu Battle Space) fera un carton au Japon lors des fêtes de Noël 1992 et en 1993. Le jeu le plus populaire du Barcode Boy sera Monster Maker : barcode saga, un RPG inspiré du jeu de cartes d’heroic fantasy à succès au Japon du même nom, dont le principe est proche du jeu de 1000 bornes. D’autres jeux comme le jeu de Base ball Famista 3 ou le jeu de course hippique Family Jockey 2 seront compatibles et chaque titre bénéficiera, comme il se doit, de son lot de cartes à scanner.

Le Barcode Boy
[DOSSIER] L'histoire de la Game Boy (8ème partie) 2Q==

Mais le véritable événement ludique des années 90, c’est Magic : the gathering, un jeu de carte à jouer et à collectionner, lancé en 1993 aux Etats-unis par Wizard of the Coast, dont l’univers s’inspire des jeux de rôle sur table comme Donjons & Dragons, qu’il finira par supplanter. Dans Magic le joueur joue le rôle d'un Planeswalker, un puissant sorcier capable de voyager entre les dimensions du Multivers, affrontant d'autres joueurs/Planeswalkers en lançant des sorts, en utilisant des artefacts et en invoquant des créatures. Magic connaîtra un succès planétaire hallucinant et inspirera à son tour les jeux de cartes à jouer et à collectionner comme Pokemon TCG ou YuGiOh! .
Pocket Monsters et sa quête de monstres à capturer et à développer pour les faire combattre et les collectionner est donc dans l’air du temps. Au lieu de collectionner les cartes on collectionne les monstres rares qu’on déniche dans les hautes herbes et les grottes du jeu qu'on peut ensuite échanger ces monstres grâce au cable Link de la Game Boy. Cependant le développement de Pocket Monsters est chaotique. Il est sans cesse interrompu, car le studio Game Freak développe simultanément d’autres jeux comme Mario & Wario sur Snes ou Pulseman sur Megadrive pour trouver des financements. En 1993, un vote est organisé au sein de Game Freak au cours duquel les employés décident à 80 % de continuer à développer Pocket Monsters. Cette décision conduit la société proche de la faillite. Pendant de nombreux mois, Tajiri ne se verse plus de salaires et n’a plus les moyens de payer les employés. Satoru Iwata qui s’enquiert régulièrement de l’état d’avancement du projet intervient pour aider Game Freak. Il a lui aussi connu une situation de quasi faillite avec Hal Laboratory. Un coup de pouce de Nintendo, avait alors permis à Hal Laboratory de finaliser Kirby’s Dream Land sur Game Boy qui s'est finalement vendu à 5 millions d’exemplaires, sauvant ainsi la société du dépôt de bilan. Satoru Iwata comprend donc mieux que quiconque la situation de Game Freak et de Satoru Tajiri et il croit au potentiel de Pocket Monsters. Très proche de Shigesato Itoi, le président du studio-partenaire de Nintendo Ape Inc., qui partage la même philosophie de jeu que lui (« Donner du bonheur aux gens »), Iwata va aider Ape Inc. à créer le Studio Creatures inc. à la tête duquel sera placé Tsunekazu Ishihara qui y gagnera le titre de « Roi des jouets portables ». Créatures Inc. va non seulement fournir une aide technique mais également apporter de l’argent, permettant à Game Freak de finaliser son jeu. En contrepartie Creatures recevra un tiers de la franchise Pokemon et développera surtout les produits dérivés comme le fameux jeu de carte à jouer et à collectionner : Pokemon TCG.
Dans le même temps Shigeru Miyamoto prend Satoru Tajiri sous son aile et prodiguera ses conseils. C’est lui par exemple qui lui soufflera l’idée de sortir Pocket Monsters en deux versions avec des Pokemons exclusifs.

La Game Boy Pocket et Pocket Monsters sont discrètement présentés au Nintendo Space World de Chiba au Japon se déroulant du 22 au 24 novembre 1995, en marge du tapage suscité par le show de présentation de la Nintendo 64, qui monopolise toute l’attention du public et des médias. Izushi, qui prendra la tête de la R&D1 au départ de Gunpey Yokoi, témoigne du contexte de l’époque :
« Pocket Monsters est passé pratiquement inaperçu lors de sa présentation au Space World 1995. Il faut dire que le clou de l’événement, c’était évidemment la première apparition publique de la N64. Donc un jeu en noir et blanc sur une aussi vieille console que la Game Boy avait du mal à attirer les foules. »

Bien qu’achevé en octobre 1995, Pocket Monsters Vert/Rouge manque les fêtes de Noël et ne sort qu’en février 1996 - la pire période pour lancer un jeu - après 6 années de développement. Comme le confiera Tsunekazu Ishihara lors d’un épisode de « Iwata demande », il a le sentiment que Pocket Monsters « a raté le dernier train », arrivant trop tard dans le cycle de vie de la Game Boy, même si, en tant que producteur, et même en tant que joueur, il est persuadé de n’avoir jamais expérimenté un jeu aussi précurseur en terme de plaisir pur. Lors de son lancement Pokemon fait une entrée timide. Il échoue de peu l’entrée dans le top 10 hebdomadaire. Cependant semaine après semaine, grâce au pouvoir surnaturel du bouche-à-oreille des cours des récréation le jeu demeure dans le classement et poursuit tranquillement son chemin, à l’écart du bruit et de la fureur de l’actualité vidéoludique et de la guerre des consoles de salon 32 et 64 bits.

Pocket Monsters Aka ・ Midori (« Pokémon Rouge et Vert »)
[DOSSIER] L'histoire de la Game Boy (8ème partie) Z

De son coté la Game Boy Pocket sort le 21 juillet 1996 et bénéficie instantanément de la vague Pokemon naissante. Gunpey Yokoi quitte Nintendo, comme prévu, pour aller voler vers d’autres cieux afin de fonder son entreprise : Koto Laboratory. Il amène avec lui quelques employés de Nintendo dont Yoshihiro Taki.

Après l’échec du Virtual Boy, la N64 à son tour, semble avoir toutes les peines du monde à convaincre face à la Playstation de Sony, ses ventes déçoivent et voilà maintenant que Gunpey Yokoi, l’un des créatifs les plus influents de Nintendo claque la porte. Nintendo semble sur la pente descendante .
C’est le moment que choisit Pocket Monsters pour exploser les charts. Un bug du jeu rend disponible un mystérieux 151ème Pokemon qu’un programmeur facétieux avait placé dans le reste de mémoire disponible de la cartouche à l’insu de ses supérieurs. La rumeur se répand chez les enfants de l’archipel nippon qu’il existerait un Pokemon secret. L’excitation atteint son paroxysme lorsque le magazine CoroCoro Comic dévoile officiellement Mew le « Pokemon légendaire » et offre, lors d’un concours, d’insérer ce fameux Pokemon dans la cartouche des 20 gagnants. Ce n’est pas moins de 78 000 inscrits qui participent au concours. De même lorsqu’un peu plus tard le Pokemon légendaire est distribué gratuitement au World Hobby Fair 1996 (une sorte de Comic Con des jouets pour enfants) une file d’attente de 4 kilomètres de long se forme. Les ventes mensuelles deviennent hebdomadaires. Avec la sortie de la Game boy Pocket qui tient vraiment dans la poche, et Pocket Monsters, Nintendo tient l’association quasi miraculeuse du jouet portable qu’on amène partout avec soi, et du jeu de collection et d’échange, ouvrant la voie aux jeux d’animaux virtuels portables comme les Tamagotchi.
Suite à la publication du Manga à partir de septembre 1996 dans le magazine CoroCoro Comic, et plus encore suite à la diffusion télé de la série animée à partir d’avril 1997, les ventes de Pocket Monsters deviennent monstrueuses. Pokemon se classera trois années de suite parmi les meilleures ventes du Japon (1,66 millions d’exemplaires vendus en 1996, 3,99 millions en 1997 et 3 millions en 1998).

Les animaux portables virtuels qu’on transporte avec soi deviennent la coqueluche des enfants japonais. Le 26 novembre 1996 Bandai sort au Japon le Tamagotchi, un jouet en forme d’oeuf inventé par Aki Maita et Akihiro Yokoi proposant de s’occuper d’un animal virtuel, qui devient un véritable phénomène de société au Japon. Ces jouets provoquent chez les joueurs une forte interaction émotionnelle et un fort attachement dû à l’investissement et au sens des responsabilités que ces êtres virtuels exigent. On parle de « Tamagotchi effect ». Bandai sortira sur Game Boy des cartouches de jeux Tamagotchi qui cartonneront à leur tour culminant à plus d’un million d’exemplaires vendus en 1997.
Autre phénomène de société, le manga/série animée et jeu de cartes à jouer et à collectionner YuGiOh! est adapté sur Game Boy. Il se vendra à 1,61 millions d’exemplaires en 1998.

Aki Maita
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La Game Boy qu’on avait enterré un peu trop vite ressuscite et les ventes redémarrent en flèche. Les éditeurs tiers qui avaient totalement disparu reviennent en masse sur Game Boy. La folie des Pokemon et la folie des Tamagotchi semblent se stimuler mutuellement créant une véritable hystérie collective. Inévitablement de nombreuses imitations de ces jouets portables apparaissent. Dans cet esprit Nintendo sortira le jeu LCD Pocket Pikachu en 1998, Pocket Pikachu Color en 1999, la mini console Pokemon mini en 2001 et de son coté Bandai sort le Virtual Pet Digimon un Tamagotchi pour garçons qui permet des combats de monstres en les connectant. De même, sur Game Boy, les éditeurs proposeront de nombreux clones de Pokemon ou de Tamagotchi (On peut citer Animal breeder, Dino Breeder, Chou Majin Eiyuuden Wataru, Kandume monsters, Itsudemo ! Nyan to Wonderful, Dragon quest Monsters, Medarot ou Monster race).
Si dans sa première vie la Game Boy était la console des Puzzle games, à partir de 1996 dans sa seconde vie elle deviendra la console des jeux de Combat/Simulation de vie/collection.

Pocket Pikachu et Pocket Pikachu Color
[DOSSIER] L'histoire de la Game Boy (8ème partie) Pocketpikachus

La Game Boy redevient un accessoire à la mode et Nintendo veut séduire toujours plus de nouveaux publics, notamment les jeunes filles en surfant sur la mode des Purikura, ces photomatons de divertissement emblématiques du style de vie Kawai avec la Game Boy Camera qui sortira le 21 février 1998.
L’idée de cet accessoire vient d’un défi que s’est lancé à lui-même Hirokazu Tanaka, le créateur de la puce sonore de la Game boy:
« Quand j’ai appris le départ de Gunpey Yokoi en 1996, j’ai été choqué et surtout en colère, je lui en ai voulu. Et j’ai voulu prouver que même sans lui, d’autres créatifs comme moi par exemple, étions aussi capables de créer de petits objets amusants dans la droite lignée du yokoïsme. Donc je cherchais une idée, à la fois comme revanche et défi personnel... »
Et amusante la Game Boy Camera l’est. Elle permet de prendre des photos numériques noir et blanc de faible résolution. On peut ensuite personnaliser, partager les photos voire les imprimer sur papier thermique autocollant via le Game Boy Printer. En outre la Game Boy intègre toutes sortes de mini jeux comme Ball, Space Fever II, le système Hot spot qui permet de créer des sortes de Point & click, ou le mini-séquenceur DJ, le tout dans un esprit délirant préfigurant les Wario Ware et autres Rhythm Paradise.
Game Boy Printer et Game Boy Camera
[DOSSIER] L'histoire de la Game Boy (8ème partie) Game_boy_camera_and_printer

Le succès de la Game Boy et de Pokemon est une véritable leçon administrée au monde du jeu vidéo. Alors que Nintendo avec sa N64 inspirée des puissantes stations de travail silicon graphic connaît une humilante défaite dans la guerre des consoles de salon, c’est une petite 8 bits monochrome avec une technologie obsolète et un petit RPG fourmillant de nouvelles idées, basé sur le plaisir de jeu, qui assurent les bénéfices de la firme de Kyoto. Voilà qui donne à réfléchir et dictera probablement à Iwata sa future stratégie de l’océan bleu après les échecs de la Nintendo 64 et de la Game Cube: « Nous ne nous battons pas contre Sony ou Microsoft. Nous cherchons à lutter contre l’indifférence des consommateurs qui ne sont pas attirés par les jeux vidéo. »Autrement dit pour se démarquer, il vaut mieux éviter un affrontement direct dans un secteur hyper concurrentiel mais plutôt chercher à proposer un concept original et accessible à tous.
Le 4 octobre 1997, alors qu’il a quitté Nintendo depuis plus d’un an, Gunpey Yokoi a un accrochage sans gravité avec une camionnette, tandis qu’il circulait sur l’autoroute avec un collègue. Après être descendus ensemble pour constater les dégâts et pousser la voiture sur le bas coté, ils sont percutés par un autre automobiliste. Gunpey Yokoi meurt sur le coup. Il avait 56 ans. Au Japon sa mort va créer une onde de choc. Les médias consacrent de nombreux articles et reportages au « Dieu des jouets » retraçant son parcours, une biographie est écrite, des études universitaires lui sont consacré, tandis que les hommages venant du monde du jeu vidéo pleuvent. Des créateurs se revendiquent de son héritage philosophique et créatif. Miyamoto confiera, « Gunpey Yokoi restera le seul homme qui ait pour moi été un véritable Maître ». Sur sa stèle figure sa maxime fétiche : « La pensée latérale des technologies désuètes ».

Gunpey Yokoi
[DOSSIER] L'histoire de la Game Boy (8ème partie) Gunpei-yokoi-250

(A suivre...)




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[DOSSIER] L'histoire de la Game Boy (8ème partie) Empty Re: [DOSSIER] L'histoire de la Game Boy (8ème partie)

Message par Kulten Sam 23 Déc 2023 - 10:35

Les GB Play It Loud transparentes et jaune me faisaient de l'oeil à l'époque. Pas pu acheter, j'étais sur d'autres choses, mais elles ont un look ravageur.

Curieusement, j'ai pas trop aimé le rendu de l'écran de la BGP, ni le sensations des contrôles. J'ai donc zappé cette période. Comme en plus je n'aime pas du tout le concept de Pokémon, la messe a été dite.

Le Super Game Boy et la Game Boy Camera, c'est top. Le jeu musical "DJ" sur la Camera permet de faire pas mal de choses en musique electro-chiptune, deux ondes + bruit blanc + un assortiments de presets.

Une compo réalisée y'a des années, "No Wargame" :



"Computer Love" de Kraftwerk :



"Oxygène", de J.M. Jarre :

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[DOSSIER] L'histoire de la Game Boy (8ème partie) Empty Re: [DOSSIER] L'histoire de la Game Boy (8ème partie)

Message par killvan Sam 23 Déc 2023 - 11:38

Gunpei Yokoi a écrit:
«  Quand nous avons développé la Famicom, les Game & Watch ou encore la Game Boy, assène Gunpey Yokoi dans un passage de sa biographie, nous pouvions constater, de toutes parts, une véritable envie de proposer des jeux d’un genre nouveau. […] Mais après quelques années on n’a plus su quoi inventer … On a alors cru qu’en rajoutant des couleurs, ou encore des effets spéciaux, on allait pouvoir renouveler à l’infini l’intérêt des mêmes concepts. Mais en réalité, pour les fabricants de jeux, c’était la preuve inavouée d’une chute. Au lieu d’essayer de prendre le problème à bras le corps et de repenser en profondeur des concepts ludiques, tous les fabricants de consoles et de softs ont opté pour la solution de facilité consistant à proposer du « toujours plus beau et plus rapide » ! on a ainsi vu les processeurs passer du 8 bits au 16 bits, puis du 32 au 64 …
Mais je pense qu’un jour avec une telle course effrénée, le marché finira par se frapper la tête contre le mur. La vitesse, les graphismes ne sont bien souvent que des améliorations relatives et ne changent que bien peu de choses dans le contenu des jeux.
L’essence et l’avenir des jeux reposent uniquement dans les idées. Si aujourd’hui, le secteur semble stagner à ce point, c’est parce que beaucoup de créateurs commencent à manquer d’idées originales ! Heureusement pour l’industrie, le jeu vidéo avait la possibilité de proposer une échappatoire temporaire permettant de limiter les dégâts. Cette échappatoire c’était la surenchère technologique , la guerre des processeurs et du nombre de couleurs affichées qui, de prime abord impressionnent le joueur.
Moi qui étais au premier rang pour faire ce triste constat, je ne pouvais m’empêcher de penser que Nintendo en s’engageant également dans cette course sans fin, risquait de monopoliser son énergie dans l’élaboration de graphismes toujours plus réalistes et d’images de synthèses toujours plus complexes au lieu de se concentrer sur le principal : les idées. Je souhaitais vraiment proposer à Nintendo quelque chose de nouveau. Une expérience de jeu unique et inédite qui permette de revenir aux fondamentaux du jeu vidéo. C’est ce que j’ai essayé de faire en imaginant le Virtual Boy ».
Tant de clairvoyance à l'époque...

Pour moi, l'époque des 16 bits auraient pu continuer 20 ans de plus que le jv m'émerveillerait toujours autant qu'avant. Là on serait à peine dans les 32 bits et on s'en prendrait encore plein la figure, imaginez si un FF 7 ou un MGS sortaient demain...
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Message par Evola Sam 23 Déc 2023 - 13:02

Kulten a écrit:Les GB Play It Loud transparentes et jaune me faisaient de l'oeil à l'époque. Pas pu acheter, j'étais sur d'autres choses, mais elles ont un look ravageur.

Curieusement, j'ai pas trop aimé le rendu de l'écran de la BGP, ni le sensations des contrôles. J'ai donc zappé cette période. Comme en plus je n'aime pas du tout le concept de Pokémon, la messe a été dite.

Le Super Game Boy et la Game Boy Camera, c'est top. Le jeu musical "DJ" sur la Camera permet de faire pas mal de choses en musique electro-chiptune, deux ondes + bruit blanc + un assortiments de presets.

Une compo réalisée y'a des années, "No Wargame" :



"Computer Love" de Kraftwerk :



"Oxygène", de J.M. Jarre :


Sympa tes compositions.

On sent que tu t'es bien amusé avec DJ. J'ai la nostalgie de la musique électronique des années 70 et 80. On avait l'imression de vivre déjà dans le futur avec JM Jarre, le groupe Space, Giorgio Moroder, Kraftwerk, Depeche mode, Yazoo, ou New order. Il est difficile de mesurer l'impact de cette musique aujourd'hui. Ces sons sonnaient différemment de tout ce qu'on avait entendu jusqu'alors. Pareil pour la GB Camera qui produit des images complètement différentes. D'où le succès de la chiptune et de la GB Camera encore aujourd'hui. Ces jouets rétros produisent des images et des sons qui semblent toujours aussi étrangement bizarres.

Dans la 10ème partie qui devrait voir le jour je ne sais trop quand (A paques peut-être ou cet été) je parlerai de la chiptune et de l'influence actuelle de la Game Boy sur les créateurs.
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Message par Kulten Sam 23 Déc 2023 - 14:15

Neil Young a utilisé la Camera pour une pochette d'album d'ailleurs, une photo prise par sa fille.

https://en.wikipedia.org/wiki/Silver_%26_Gold_(Neil_Young_album)#/media/File:Neil_young_silver_gold_cd.jpg
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Message par Evola Ven 29 Déc 2023 - 20:44

L'influence et l'héritage de la Game Boy fera l'objet de ma 10ème et dernière partie que j'espère publier avant septembre 2025 ...

Sur la scène musicale de nombreux créateurs utilisent la Game Boy pour des performances Live ou des festivals. Anamanaguchi qui a réalisé la bande-son du jeu Scott Pilgrim, Toriena qui a contribué à Team Sonic Racing, Chipzel qui a composé les musiques de Super Hexagon, DJ Scotch Egg ou Trash80.
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